« Les achats IT, un vrai travail d’équipe »
Comment acheter de l’IT dans un contexte de plus en complexe ? Entretien avec Arnaud de Varine-Bohan, responsable des achats Groupe, Swiss Life France.
En quoi consiste votre travail chez Swiss Life ?
Tout ce qui s’achète au-delà de 15 000 euros hors-taxes passe par mon service, sauf les immeubles. Nous sommes une équipe de quatre personnes qui gérons un volume d’achats total de près de 75 millions d’euros par an auprès de quelque 500 fournisseurs actifs. Je prends personnellement une part active aux gros achats IT : matériels, logiciels, maintenance, outsourcing, services.
Y a-t-il une manière particulière d’acheter des équipements ou des services informatiques ? Et si oui laquelle ?
Tout d’abord, il faut séparer matériels, logiciels et prestations intellectuelles. Pour l’acquisition d’équipements tels que les postes de travail ou les serveurs, nous ne pratiquons pas les enchères inversées en raison de volumes peu élevés et le prix n’est pas notre seul critère de décision. De plus, cela déshumanise complètement la relation avec les fournisseurs.
Il faut séparer matériels, logiciels et prestations intellectuelles.
Le sujet sensible, ce sont les logiciels. La difficulté avec les éditeurs, c’est leurs modes de licence – parfois incompréhensibles – et la déconnexion totale entre leurs prix de vente et leurs coûts de production. Les taux de maintenance qui avoisinent les 25 % sont, selon moi, très excessifs ! En négociant, nous arrivons à les faire descendre vers les 17-18 % mais rarement en deçà. Si j’ai le choix, les logiciels Open Source nous permettent de réaliser des économies dans un rapport de 1 à 5 selon une approche de type TCO (Total Cost of Ownership) intégrant coûts de licence, maintenance et support/intégration.
Sur les prestations intellectuelles, nous définissons les livrables de la manière la plus précise possible dans le cas des prestations au forfait. Nous nous adaptons aux évolutions du marché et ainsi, nous avons établi un contrat type pour contractualiser avec nos prestataires qui appliquent la méthode agile, même si les cycles de développement classiques en V subsistent.
Comment acheter de l’outsourcing IT et suivant quels critères ?
Tout dépend de ce que l’on achète car il y a plusieurs types d’outsourcing IT. Pour les applications en mode SaaS, il faut un contrat « béton » qui prévoit la réversibilité et les coûts de sortie en fin de contrat. Clauses de réversibilité, SLAs, PRA, PCA, protection des données sont des points majeurs, sans parler du coût des nouveaux services qu’il faut verrouiller pour éviter les mauvaises surprises.
Comment se passe la collaboration Achats-DSI au sein de votre entreprise ?
Dans les domaines de l’assurance vie, santé et dommages, la protection des données est cruciale et donc la responsabilité est forte, à la fois du côté de la DSI et de l’infogérant. Cela peut aller jusqu’à l’obligation de détruire physiquement les disques retirés de leurs serveurs lors de maintenance pour garantir la confidentialité des données de nos clients. Dans un contexte réglementaire de plus en plus contraignant, le contrat est clé ! Chez nous, il est donc construit en étroite collaboration avec la DSI. C’est un vrai travail d’équipe.
L’arrivée du Cloud computing a-t-elle changé quelque chose dans votre quotidien ?
Il est vrai que « l’informatique en nuage » a un peu compliqué les choses en matière de traçabilité des données. Comme nous n’avons pas le droit de stocker les données de nos clients en dehors de l’Union européenne et de la Suisse, nous sommes obligés de travailler avec des prestataires qui disposent de data centers en Europe, y compris les données de back up. Ce qui peut s’avérer problématique avec des prestataires américains, par exemple.
Un bon acheteur doit écouter son prescripteur interne pour identifier et comprendre son besoin.
Quelles sont selon vous les qualités principales d’un bon acheteur ?
L’écoute, la curiosité et bien sûr les capacités de négociation sont clés. Un bon acheteur doit écouter son prescripteur interne pour identifier et comprendre son besoin. Il doit aussi être à l’écoute des fournisseurs pour obtenir de leur part des propositions innovantes en termes de structures de coût notamment. Il ne faut pas hésiter à travailler en mode collaboratif avec certains fournisseurs, car c’est une relation gagnante qui s’instaure au final. J’ai, par exemple, aidé certaines start up à clarifier leurs modèles de coût et à construire leur offre.
Quelques mots sur Arnaud de Varine-Bohan
Âgé de 58 ans, Arnaud de Varine-Bohan a travaillé plus de 20 ans dans le domaine des réseaux/télécoms notamment comme responsable réseau dans de grandes entreprises telles que Du Pont de Nemours ou Caisse d’Epargne. Il a été ingénieur système et réseau chez des industriels et des opérateurs, le tout appuyé par des missions de conseil en sécurité et architecture réseau. Après une première expérience d’acheteur en start up, il a été responsable des achats IT de Swiss Life France et, depuis 2007, a pris en charge la totalité des achats du Groupe en France.