Stratégie
Face à la crise, les aéroports doivent accélérer leur digitalisation

Face à la crise, les aéroports doivent accélérer leur digitalisation

La crise sanitaire a frappé et continue de frapper durement le secteur aéroportuaire. Selon l’ONU, le trafic aérien a connu en 2021 une baisse de 49% par rapport à 2019, après une chute de 60% en 2020. Dans une industrie habituée à une croissance annuelle constante située entre 5% et 10%, ce choc inédit menace la survie économique de nombreux acteurs. Face aux nombreux défis opérationnels et stratégiques que pose cette situation critique, ils doivent se réinventer. La digitalisation des aéroports est l’une des clés de cette nécessaire réinvention.

Aéroports et digitalisation : que peut apporter la transformation numérique ?

Comme de nombreuses autres infrastructures recevant du public, les aéroports ont été contraints de mettre en place d’importantes mesures de contrôle afin de limiter la propagation du virus. Les processus de gestion des passagers se sont ainsi considérablement complexifiés et ont, parfois, vu la réapparition des formulaires en papier. Or, les régulations issues de la crise sanitaire ont vocation à rester d’actualité au moins plusieurs années voire à se pérenniser. En termes de parcours passagers comme de gestion des bagages, cela se traduit par un considérable retour en arrière.

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Intégrer cette nouvelle donne pour revenir aux performances antérieures exige des aéroports d’importants investissements dans une période où leur stabilité financière est plus que jamais mise à l’épreuve. II s’agit donc de faire mieux avec moins. Un défi d’autant plus difficile à relever que les sociétés aéroportuaires font face à une véritable fuite des cerveaux : de nombreux spécialistes de leurs processus métier ont quitté cette industrie pour d’autres secteurs moins touchés par la crise.

Le défi écologique en toile de fond

La crise sanitaire est intervenue dans une période charnière pour l’industrie aéroportuaire et le secteur de l’aviation en général : celle de la transition écologique. En octobre 2021, à Genève, la décarbonation du transport aérien était au cœur des débats qui ont animé l’assemblée générale du 31e Conseil International des Aéroports.

Cette transformation majeure des processus émetteurs de CO2 exige une coordination renforcée entre l’ensemble des acteurs du marché mais également des investissements massifs dans le renouvellement des infrastructures. Là encore, l’innovation technologique sera décisive dans la capacité des aéroports à se réinventer dans une période critique.

Nous sommes, en effet, entrés de plein pied dans une ère ou les solutions numériques sont nativement pensées pour permettre aux industries d’optimiser leur empreinte carbone. Si ces ressources consomment, certes, un volume conséquent de ressources énergétiques, elles permettent, en parallèle, de réaliser des économies d’échelle considérables.

Mutualiser les infrastructures numériques

Tirer pleinement parti du cloud est l’une des pistes que les aéroports peuvent explorer pour optimiser leurs opérations. Le cloud n’a pas encore eu, sur le secteur aéroportuaire, le même impact que sur d’autres industries. Et pour cause, il ne convient pas aux fonctions les plus stratégiques de la gestion opérationnelle du transport aérien et, en particulier, aux opérations en temps réel comme les communications avec les appareils en phase d’atterrissage ou de décollage, lesquelles exigent un niveau de connectivité et de sécurité absolument irréprochable. La moindre interruption dans la transmission de données pourrait, en effet, entraîner des conséquences humaines et matérielles dramatiques.

Les plus gros aéroports ont donc tendance à conserver des infrastructures on-premise quitte à y consacrer des investissements particulièrement élevés. Mais de nombreux aéroports de tailles plus réduites peuvent aujourd’hui s’appuyer sur ces infrastructures numériques mises à disposition à distance par des aéroports partenaires pour la gestion de leurs opérations commerciales et non critiques opérationnellement.

Un processus de mutualisation qui reproduit à l’échelle du secteur les bénéfices du cloud :

  • Réduction et meilleure prévisibilité des coûts de fonctionnement
  • Intégration plus rapide des innovations technologiques
  • Souplesse opérationnelle
  • et bien d’autres…

Le développement de telles stratégies de cloud hybride pourrait ainsi constituer une solution pour fluidifier la gestion des données des aéroports de petite et moyenne taille.

Nous devons, également, mentionner le développement potentiel d’infrastructures embarquant des configuration edge. L’edge computing consiste en effet à déployer des puissances de calcul en mode local, sur site, et à proximité immédiate des ressources nécessitant un niveau critique de traitement des données. Ces technologies, de plus en plus couramment déployées au sein des industries, joueront un rôle déterminant dans les années à venir pour les infrastructures numériques des aéroports.

Viser une meilleure intégration technologique

La digitalisation des aéroports est engagée depuis de nombreuses années déjà. Elle s’est traduite par l’implémentation de technologies innovantes. L’internet des objets a ainsi fait son entrée dans les aérogares et permet de gérer efficacement et intelligemment la maintenance d’équipements stratégiques. La blockchain est, quant à elle, mobilisée de façon croissante pour sécuriser les échanges de données et minimiser l’impact des cyberattaques, que le contexte géopolitique particulièrement instable a fait exploser. Le développement de l’intelligence artificielle a également permis l’intégration d’un grand nombre de nouvelles applications d’automatisation et d’aide à la décision.

Mais l’adoption de ces nouvelles couches applicatives pose d’importants problèmes d’intégration et de compatibilité pour assurer la stabilité des systèmes d’information. La gestion de données en temps réel pour les fonctions opérationnelles les plus critiques exige ainsi un niveau d’intégration particulièrement élevé. Les aéroports, qui ne peuvent s’appuyer intégralement sur les API et les services des fournisseurs cloud doivent ainsi développer des stratégies d’intégration sur mesure à l’échelle locale et concilier les exigences techniques de dizaines d’éditeurs différents. L’adoption de nouveaux processus d’intégration et d’API standards est donc l’un des principaux axes sur lesquels les aéroports doivent concentrer leurs efforts pour optimiser la gestion de leurs ressources informatiques.

Au délà de la technologie : favoriser la coordination

Sur le plan technique, les solutions qui permettraient aux aéroports d’accélérer leur digitalisation existent d’ores et déjà et pourraient porter tous leurs fruits à condition de bénéficier d’importants efforts d’intégration.

Mais la sortie de crise ne peut reposer exclusivement sur des solutions technologiques. Les défis que rencontrent les aéroports sont également organisationnels. La grande diversité des régulations sanitaires et des contextes légaux imposent notamment aux aéroports des contraintes démesurées.

Le manque de coordination internationale et l’évolution chaotique de la réglementation empêche toute solution pérenne d’émerger. II est donc temps que des accords soient trouvés aux échelles locales, régionales et internationales pour favoriser la coordination des acteurs privés et publics. C’est seulement à ce prix que la technologie pourra être mise au service d’une stratégie sanitaire efficace et d’une reprise économique de long terme.