Il a mené des missions chez Gemalto, Allianz, IPSEN… Et autant de projets de transformation qui en font un DSI d’expérience. Pour lui, la “transition” est un mode de vie. Portrait.
Pourquoi les entreprises font-elles appel à des DSI de transition ?
Frédéric Lutard : Le marché du management de transition touche toutes les fonctions de l’entreprise et s’est récemment intensifié en ce qui concerne les DSI. Avec la transformation numérique, des thèmes particulièrement médiatisés comme l’ubérisation provoquent une prise de conscience au sein des comités de direction. Les dirigeants estiment désormais – souvent à juste titre – que la digitalisation des métiers et des processus est primordiale pour leur développement. Mais ces projets sont complexes et à risque. En conséquence, les DSI de transition comme moi sont de plus en plus sollicités.
Pour quels types de missions ?
Les missions que l’on me propose sont très variées : remplacement “à la volée” d’un DSI remercié, mission temporaire pour assurer la continuité en cas d’absence prolongée ou encore démarrage d’une transformation digitale avant l’arrivée du nouveau DSI. Dans la majorité des cas, j’interviens plutôt en support au DSI pour mettre en place un schéma directeur ou dans le cadre d’une fusion-acquisition, du rachat par un fonds d’investissement ou tout simplement la suppression d’une branche ou d’une division. Le DSI de transition dans ce contexte de crise est apprécié car c’est un manager sénior avec de l’expérience, un haut niveau de responsabilité et une bonne connaissance des impacts budgétaires et des enjeux métiers.
Quels sont les principaux challenges d’un DSI de transition ?
Dès les premières heures passées dans l’entreprise, il faut identifier les personnes clés. On ne mène pas des projets informatiques seul, sinon c’est l’échec assuré ! De la même manière, il faut comprendre très vite la culture de l’entreprise, le contexte de la mission, les problématiques spécifiques au métier du client. Et, bien sûr, ne pas arriver avec un plan d’action pré-conçu. Dans mon cas, c’est quasiment impossible : je suis souvent appelé la veille pour le lendemain.
On ne mène pas des projets informatiques seul, sinon c’est l’échec assuré !
Quelles sont les qualités nécessaires ?
Il faut aimer les missions à risque, éviter la routine, être un passionné. Un sens du leadership et une qualité d’écoute sont indispensables pour savoir déminer les conflits et fédérer les équipes. Il faut aussi être concret, opérationnel, et s’impliquer totalement dans sa mission : un DSI de transition n’est pas un consultant qui réalise un audit, il est dans l’action. Par exemple, il doit savoir manipuler les données pour extraire de l’information (les historiques en disent beaucoup). Et bien sûr, se tenir au courant des toutes dernières technologies et avoir un bon réseau.
Enfin, une expérience internationale est aujourd’hui indispensable car peu de projets ambitieux restent cantonnés à l’Hexagone.
Quels sont les principaux pièges à éviter ?
Utiliser des recettes toutes prêtes mais non adaptées au client. Ignorer les personnes compétentes dans les équipes en place. Ne pas montrer l’exemple ou ne pas être orienté résultat. L’objectif, c’est la mission ! Un DSI de transition n’a pas vocation à rester dans la société. Je suis là pour aider et conseiller le DSI en place, et cela doit se faire dans un climat de confiance mutuelle.
L’objectif, c’est la mission ! Un DSI de transition n’a pas vocation à rester dans la société. Je suis là pour aider et conseiller le DSI en place, et cela doit se faire dans un climat de confiance mutuelle.
Quelles sont les évolutions de carrière possibles ?
C’est un luxe de pouvoir choisir ses clients, autant en profiter. Pour moi, il faut prendre les missions une par une. Chaque mission nourrit la suivante de son expérience. La diversité et la liberté sont l’intérêt de ces missions de transition. Quand on sait que selon certaines enquêtes la durée de vie d’un DSI “fixe” est de 18 mois, je trouve ma situation plutôt enviable.
Âgé de 47 ans, Frédéric Lutard a mené nombre de projets de transformation au cours des vingt dernières années avec une composante internationale. Il a été notamment le DSI de FCI, filiale high tech du groupe Areva. Il a également occupé des postes de directeurs des applications ou directeur de l’innovation. Il a vécu le krach des télécoms en 2001 avec FCI et les nécessaires transformations sur l’organisation IT alors que la société passait de 22 000 à 14 000 personnes en moins de trois ans. Il a également été très influencé par les changements d’organisation qu’il a menés lors du rachat de FCI par un fond d’investissement puis la sortie progressive de cette actionnaire. Fort de ces expériences de transformation riches et avec le goût des challenges, il a choisi en 2013, la voie du management de transition en indépendant.