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L’IoT sauve des vies.

L'IoT sauve des vies

Sur le seul territoire allemand, les services de pompiers éteignent 200 000 incendies domestiques chaque année. Et ce chiffre n’inclut pas les opérations de grande échelle comme les feux de forêt, les accidents chimiques et les explosions de gaz. Afin de réduire les risques pour ces femmes et ces hommes courageux qui mettent leur vie en danger, T-Systems a mis au point le T-shirt connecté. Cette innovation est signée Connected Things Integrator, une filiale de Deutsche Telekom.

« Allô, c’est bien la caserne des pompiers ? Notre immeuble est en feu ! » Cet appel à l’aide tragique lancé par une belle journée d’octobre, est l’un des 80 appels d’urgence que le service de pompiers de Krefeld reçoit en moyenne chaque jour. « Sauver et protéger » : la mission et le serment des pompiers dans le monde entier représentent le dernier espoir pour les 30 000 personnes qui appellent chaque année à l’aide dans cette ville de 235 000 habitants. Les urgences signalées sont diverses, de l’incendie d’un dépôt de fertilisant au bord du Rhin à la découverte d’un obus non explosé en centre-ville, en passant par la rupture d’une conduite de gaz par un excavateur dans un quartier résidentiel. Sans compter les milliers d’urgences médicales et de secours liées à des accidents de la route et les chatons terrifiés incapables de redescendre de l’arbre qu’ils ont escaladé. Ce jour-là, à 11h37, l’interlocutrice bouleversée avait appelé pour signaler « une fumée épaisse dans la cage d’escalier » de son immeuble. Il y avait « huit, peut-être neuf sonnettes à l’entrée, je ne sais pas combien exactement, » a-t-elle dit. « Mais je sais que le jeune homme qui vit de l’autre côté du couloir est en fauteuil roulant depuis des semaines. »

La peur, la panique et l’appréhension sont des réactions normales en cas d’incendie. Mais de l’autre côté de la ligne, pas plus d’hystérie chargée d’adrénaline que de réaction de terreur. Avec le calme et l’efficacité qui sont la marque d’années de routine, les agents de répartition du service d’urgence des pompiers utilisent leur micro-casque, leur écran, leur clavier et leur souris pour coordonner les étapes suivantes. Chaque action est rapide et maîtrisée, sans aucune précipitation – et c’est voulu.

LA LOCALISATION DES TÉLÉPHONES FAIT GAGNER DE PRÉCIEUSES MINUTES

En quelques secondes, l’adresse de l’appelant s’affiche sur le grand écran de la salle à côté d’une carte mettant en évidence les différents itinéraires possibles jusqu’à la scène de l’incendie. Comment ? Deutsche Telekom a mis au point une base de données qui associe adresses et numéros de téléphone, dont la ligne fixe utilisée par la dame âgée pour appeler au secours depuis son appartement. C’est une chance. La localisation d’appels mobiles est beaucoup moins précise. L’incendie s’est déclenché dans un cul-de-sac, tout près d’une ligne de chemin de fer, mais le site reste accessible aux camions de deux manières. Mais on ne sait pas encore clairement combien de personnes sont en danger. Dans ces situations, les agents de répartition envoient normalement deux « compagnies motorisées » soit 40 intervenants.

L’appel est émis : « Véhicules ELW 11, HLF 11, HLF 12 et DLK ! » Moins de quatre minutes plus tard, la première compagnie, composée d’un véhicule de commande, de deux véhicules lourds de secours et d’un camion à échelle pivotante, quitte la caserne. À six kilomètres de là, le même scénario se déroule, annoncé par la puissante sirène de la caserne puis par celles des véhicules d’intervention. Ici, à la caserne parallèle de Krefeld, la deuxième unité prend la route.

« Si cette solution ne sauvait qu’une vie, ce serait déjà un retour sur investissement inestimable. »
MARKUS ZSCHEILE
Directeur du Centre de solutions d’intégration d’objets connectés de T-Systems

CONNECTÉ DÈS LE DÉPART

Tandis que Christoph Manten, Commandant des opérations de secours, se presse vers la scène de l’incendie dans le véhicule poste de commandement, il jette un œil à son ordinateur portable qui indique combien de personnes vivent dans l’immeuble en flammes. Cette notification, émise par le centre de répartition, provient directement du bureau local d’enregistrement des résidents. L’information est essentielle pendant une urgence. C’est pour cela que le Service de pompiers de Krefeld possède également les plans de plus de 400 immeubles de la ville – essentiellement des bâtiments publics – et peut les envoyer sur l’ordinateur d’un commandant des opérations de secours pendant son déplacement. Malheureusement, l’ordinateur central de la caserne n’a pas les plans de l’immeuble concerné. « VSL et VPI en route, » crie l’agent de répartition. Ces abréviations indiquent à Christoph Manten qu’une ambulance et un véhicule d’intervention rapide ont également été envoyés. Manten est suivi par un véhicule abritant neuf pompiers dont Nico Jakels, un vétéran fort de sept ans d’expérience. Ce mercredi, il est arrivé au travail à 6h45. Quelques minutes après, devant son casier dans la « section propre » des vestiaires de la caserne, cet homme de 35 ans a échangé ses vêtements de ville contre l’uniforme de la caserne qui comprend notamment un t-shirt à l’allure plutôt ordinaire. Pourtant, ce t-shirt noir qui scintille légèrement dans la lumière pourrait un jour lui sauver la vie. Ce jour-là, l’appel de 11h37, l’alarme, le déploiement et l’intervention faisaient partie d’un test organisé par le Service des pompiers de Krefeld avec T-Systems. L’objectif : déterminer l’adéquation opérationnelle d’un « t-shirt connecté », dernière innovation de Connected Things Integrator, filiale de Deutsche Telekom. Un test effectué dans des conditions hautement réalistes.

L’émettrice de l’appel n’exagérait pas. À deux coins de rue de l’incendie, Manten, Jakels et le reste de l’unité aperçoivent déjà la colonne de fumée. En effet, la seule différence entre ce scénario et une intervention réelle est l’absence de passants, de voisins inquiets et de « reporters photographes » auto-proclamés brandissant leurs smartphones tout en gênant le passage des pompiers. En quelques secondes, les équipes descendent des véhicules. Tous les membres de l’équipe de Manten savent quoi faire. Avant que Jakels et le reste de « l’équipe d’attaque » ne s’engouffrent dans l’immeuble, ils saisissent les appareils de respiration autonome suspendus dans le camion. En un mouvement fluide, ils sanglent les réservoirs sur leur dos, glissent les masques sur leur visage et branchent les deux éléments. À cet instant, le t-shirt qui enveloppe Jakels se connecte.

QUAND LES SIGNES VITAUX SAUVENT UNE VIE

Le t-shirt, fabriqué par Teiimo, partenaire technologique de T-Systems, est équipé d’une capsule télématique située juste en-dessous du col du pompier, au niveau de la nuque. Des fils plats résistants à la chaleur et à la transpiration, à peine sensibles, parcourent le tissu en formant des boucles aléatoires qui supportent la déformation et le lavage du t-shirt. Ils transmettent le rythme cardiaque de Jakels relevé par deux capteurs placés sur le côté de sa poitrine. Dans le même temps, un accéléromètre de nouvelle génération, également contenu dans la capsule, détecte chaque mouvement du pompier. Pour cela, un processus de calcul combine les mouvements de rotation et de translation de la capsule GPS sur six axes différents. Des formules mathématiques complexes permettent à l’appareil de suivre la localisation et les mouvements du porteur du t-shirt. Une puce de mémoire enregistre les données brutes pour identifier immédiatement tout type d’anomalie. Une chute, par exemple, sera instantanément signalée, par communication sans fil, à une plateforme IoT  dans le cloud. La plateforme communique généralement avec la tablette du Commandant des opérations de secours Manten par Internet, mais gère également les capsules et leur envoie des mises à jour régulières.

« Le t-shirt connecté est le fruit d’un programme conçu à l’origine pour la digitalisation de l’industrie du bâtiment, mais élargi depuis à d’autres domaines comme la lutte contre les incendies. Son objectif principal est de gérer des données opérationnelles, d’empêcher le vol et d’inventorier le matériel et les machines de grands sites de construction, » explique Thomas Barth, Program Manager chez Connected Things Integrator. Cela va de meuleuses d’angle à 1 000 € à des grues sur chenilles valant des centaines de milliers d’euros, en passant par des scanners à béton à 40 000 €. Les propriétaires, les sociétés de location et les assureurs veulent savoir qui utilise l’équipement, où et comment. « Notre solution est maintenant utilisée dans d’autres applications, notamment pour améliorer la sécurité des travailleurs dans les situations potentiellement dangereuses. On pense par exemple aux mécaniciens qui travaillent sur des plateformes pétrolières ou aux techniciens qui interviennent sur des lignes à haute tension. » Mais son utilité ne s’arrête pas là. Aujourd’hui, la brigade de pompiers interne d’une grande entreprise industrielle du sud de l’Allemagne et T-Systems font l’essai du t-shirt connecté sur une période de plusieurs mois.

80 SECONDES PLUS TARD : « EAU OUVERTE ! »

Une fois encore, le commandant des opérations de secours Manten aurait aimé que le rapport montre toutes les bornes à incendie à proximité du site. C’est un problème pour Krefeld comme pour de nombreux services de pompiers en Allemagne. Les lances que Jakels et son équipe dirigent contre le feu sont alimentées par des réservoirs de 2 000 litres installés à bord de deux véhicules lourds de secours. Cela peut paraître beaucoup, mais chacune des trois lances pompe 150 litres d’eau par minute. Le réservoir sera bientôt vide. Étage par étage, un appartement après l’autre, les pompiers progressent dans l’immeuble. Tous les occupants ont été recensés, à l’exception du jeune homme en fauteuil roulant mentionné par la dame qui a donné l’alerte. L’incendie s’est manifestement déclenché dans son appartement que Jakels inspecte maintenant méthodiquement, pièce après pièce. La fumée est si épaisse qu’il distingue à peine ses propres mains. Pendant que le reste de l’équipe affronte la source de l’incendie dans le salon adjacent, Jakels s’introduit dans la cuisine. Mais les flammes persistent. Lorsque les fenêtres se sont brisées, l’appel d’air a entretenu l’incendie.

Les feux qui résistent à l’extinction sont bruyants. Jakels le sait bien, lui qui a répondu à plus de 200 appels d’urgence au cours de sa carrière. Mais aujourd’hui, avec une forte sensation de chaleur dans le dos, il est entouré par un épais mur de fumée et plongé dans la cacophonie des voix de ses équipiers. Des questions, des rapports, d’autres questions, de nouvelles instructions. Mais ce qu’un observateur non entraîné percevrait comme un chaos bouillonnant et infernal est en fait parfaitement intelligible pour chaque pompier. Est-ce que l’alimentation en eau se maintient ? – Où se trouve la personne manquante ? – Pendant combien de temps encore y aura-t-il de l’air dans les réservoirs d’oxygène ? – Les hommes doivent « prendre l’air » au moins toutes les 20 minutes. En d’autres termes, ils doivent quitter le bâtiment et changer d’équipement respiratoire. Il reste 120 secondes à Jakels et son équipe. Tout à coup, le commandant des opérations de secours Manten réalise que l’un de ses hommes ne pourra sans doute pas trouver seul son chemin dans la cage d’escalier enfumée. Et cela n’a rien à voir avec tout l’équipement – haches, marteaux, extincteurs, pieds de biche, portes arrachées, lances, raccords, adaptateurs et autres pinces – qui traîne dans l’escalier.

« Notre objectif : mettre au point une solution de haute précision qui incorpore des canaux d’informations supplémentaires. »
CHRISTIAN KAPITZA,
Équipe de développement Scrum de T-Systems

QUAND CHAQUE SECONDE COMPTE

Après avoir reçu un message texte, Manten saisit son ordinateur portable. L’émetteur du message : la plateforme IoT dans le cloud. Un coup d’œil rapide à l’écran confirme l’alerte : le t-shirt connecté de Jakels ne signale plus aucun mouvement. La fonction « Activité et mouvement », qui mesure la vitesse actuelle du t-shirt ou plutôt celle de la capsule placée sous le col, indique « Zéro ». Manten parcourt l’écran pour consulter la température corporelle de Jakels, son pouls et ses coordonnées GPS. Aucune question à se poser : s’il n’y avait aucun disparu jusqu’à présent, c’est maintenant le cas. Et le temps presse, littéralement. En effet, le t-shirt de Jakels n’est pas le seul appareil à être connecté à l’ordinateur de Manten : sa bonbonne d’oxygène l’est aussi. Et il reste moins de deux minutes d’oxygène. Mais ce qui a vraiment pétrifié le commandant, c’est la fonction « Orientation du corps ». Un angle d’orientation – comme l’appellent les experts – de 88° à 110° correspond à une personne qui marche debout. Si un pompier se penche en avant, l’angle baisse à 60° environ. À 45°, une alerte est déclenchée par une règle intelligente définie dans le cloud. Là, l’orientation du corps de Jakels a tout à coup chuté à 3°. Bien plus bas même que s’il rampait dans la pièce. Pire encore, la position de Jakels ne change plus du tout.

ON OUBLIE L’ATTAQUE. PASSAGE EN MODE RECHERCHE ET SECOURS.

Au lieu de renvoyer l’équipe de Jakels au feu avec une nouvelle réserve d’air, Manten missionne une équipe de secours dans la maison. Les hommes ont appris de l’équipe de départ où se trouvait Jakels. Et c’est une chance en cette journée de la fin d’octobre.

« Notre prochain objectif de développement consiste à mettre au point une solution de haute précision qui incorpore des canaux d’information supplémentaires dans nos t-shirts, » explique Christian Kapitza, Consultant senior et Product owner de l’équipe de développement scrum de T-Systems. On pourrait intégrer des visualisations 3D de l’architecture et de la topographie, ou bien des capteurs de pression d’air pour fournir des données supplémentaires au minuscule ordinateur embarqué, à des fins de fusion de données. « Les algorithmes nous permettent de continuer de calculer la position du t-shirt même en l’absence de signal GPS. À terme, nous souhaitons pouvoir localiser sa position avec la plus grande précision possible, à l’intérieur comme à l’extérieur des bâtiments. » De plus, de nouvelles technologies sans fil et normes cellulaires comme l’IoT NarrowBand et la 5G vont rendre les communications entre le commandement et les équipes encore plus robustes.

Grâce aux instructions de Manten et aux indications de la première équipe, il n’a pas fallu longtemps à l’équipe de secours pour trouver Jakels : entouré d’une épaisse fumée, effondré sur un fauteuil roulant dont l’utilisateur temporaire n’avait manifestement plus besoin. Dans les dernières secondes, les quatre hommes ont transporté leur camarade blessé dans la cage d’escalier, lui ont retiré son masque et l’ont regardé avec soulagement remplir ses poumons d’air frais. « Nous observons avec la plus grande attention l’émergence de solutions pouvant améliorer la sécurité des pompiers et faciliter le secours des pompiers en difficulté – une situation qui peut se produire n’importe quand, » explique Christoph Manten, Commandant des opérations de secours du Service de pompiers de Krefeld. « Je vous garantis que les brigades de pompiers professionnels, d’entreprise et volontaires du monde entier – et pas seulement de Krefeld – accueilleront avec gratitude toute opportunité d’utiliser, de tester, de comparer et d’évaluer les types d’innovation que nous voyons aujourd’hui. » Ce sentiment est partagé par Markus Zscheile, directeur du Centre de solutions Connected Things Integration de T-Systems : « On veut toujours savoir si des efforts de recherche et développement ont produit un bon retour sur investissement. Mais si notre solution sauve ne serait-ce qu’une vie parmi les pompiers de toute l’Allemagne, où les brigades luttent contre 200 000 incendies domestiques chaque année, le retour sera inestimable. »

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