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CES 2019, quelles perspectives nouvelles ?

La cause de la numérisation de la société mondiale est entendue. A la fin de 2018, l’Organisation internationale des Télécommunications estime que 51,2% de la population mondiale accède au web, soit 3,9 milliards de personnes. Il a fallu moins de 10 ans pour que l’utilisation du smartphone, partie de quelques utilisateurs en 2007, atteigne 70% de la population mondiale.

Cette transformation massive, rapide, sans équivalent dans l’histoire humaine, bouleverse notre vision du monde. Nous sommes désormais dans un monde connecté qui a absorbé en deux décennies le passage d’une informatique professionnelle – rare, chère, aux usages réduits-  vers une numérisation massive du monde. L’usage de la technique a été totalement démocratisé en irriguant la vie quotidienne de milliards de personnes.

Dans ce contexte, avec ses 6500 journalistes en quête de nouveautés, le CES soulève une question  : est-il toujours aussi pertinent ? Les CES Awards incitent certes à distinguer dans la masse de produits présentés au CES ceux qui marquent un véritable gain pour les consommateurs et pour la société.  Toutefois, douze ans après l’irruption du smartphone, il est devenu évident qu’une innovation isolée ne peut plus, à elle seule, changer le paysage technologique. Il faut désormais analyser l’évolution systémique de la transformation numérique. Pour cela, les conférences jouent un rôle de plus en plus important. 1100 intervenants y ont échangé leurs points de vue cette année au cours des sessions regroupées en 21 thèmes.  Ce sont des moments forts du CES puisque les problématiques qui y sont traitées appellent à considérer  non seulement l’avancement des techniques, mais aussi leurs implications sociétales.

 

La société des données confirme son emprise

L’affirmation du CES 2019 est sans ambiguïté : tout objet est désormais connectable en réseau et devient un composant d’un système qui collecte et distribue de l’information. Le comportement de chacun des composants du système s’intègre dans une vision globale où les données unitaires, en s’agrégeant en informations primaires, forment une image virtuelle cohérente du système.

Cette image permet de comprendre l’interaction des composants de ce système, d’en modéliser le fonctionnement et d’agir sur le comportement.

Tous les secteurs sont entrainés dans cette évolution.

Les premiers impliqués sont les industriels qui connectant chaque machine et chaque produit à une chaîne de valeur globale construisent le « manufacturing 4.0 » dont les acteurs comme Bosch ou Dassault Systèmes illustrent les capacités. La mobilité n’est plus traitée à travers chacun de ses composants unitaires, voiture, bus, tram ou train, mais comme un système globale optimisé. La maison, longtemps absente de l’automatisation, devient elle-même un système où énergie, chauffage, climatisation, images, sons, sécurité et services sont interdépendants et monitorés globalement par les occupants.

De fait chaque composant devient « smart » et l’imagination des fournisseurs de technologie devient sans limite puisque le hardware peut désormais être mis en valeur par des logiciels traitant ces volumes considérables de données.

La question centrale qui est posée à travers les conférences comme dans les stands est la contribution concrète des technologies de l’information à la résolution des problèmes structurels de la société, énergie, mobilité, santé, climat… La reconquête de la ville, par exemple,  ne peut se faire que par une série de mesures visant à la fois à la qualité des constructions, la fluidification des circulations et de la logistique et au développement harmonieux des activités.  La construction progressive de la « cité intelligente », du BIM pour chaque composant unitaire des bâtiments à la modélisation globale, viendra d’un travail méticuleux d’analyse des données plutôt que de solutions spectaculaires comme le taxi autonome ou la voiture volante..

Dans chaque secteur, le pragmatisme remet en question l’utopie. Il vaut mieux en effet résoudre les problèmes touche par touche plutôt que de tout miser sur une exploitation audacieuse, mais lointaine, de la technologie.

Ainsi la transformation de l’automobile ne touche pas seulement l’évolution du mode d’énergie de propulsion – du moteur à combustion interne vers l’électromobilité -, mais surtout le modèle d’usage. Le mouvement se fait du « vehicule as a service » vers « mobility as a service ». C’est une mutation qui touche d’abord les centres urbains denses où les systèmes de transport à grande capacité sont complétés par la mobilité douce du dernier kilomètre et par une multitude d’offres qui rendent inutile la possession d’un véhicule en pleine propriété. Il n’en est pas de même pour les zones de faible densité où la possession d’un véhicule individuel reste la seule solution pratique. Une offre est en train d’émerger, avec le covoiturage, le taxi collectif, les navettes de petite capacité, le transport à la demande.

C’est une palette riche de réponses immédiates portant sur les services et l’adaptation des véhicules, électriques, connectés, plus petits et moins chers, qui feront de « la mobilité comme service » une réalité accessible à tous.

La santé reste le secteur le plus prometteur pour une utilisation intensive de tous les outils numériques, du diagnostic au traitement, de la gestion du bien-être personnel aux protocoles médicaux. La santé connectée n’est que la mise en œuvre à grande échelle de la capacité des outils à collecter avec des capteurs peu coûteux l’information de base, à la traiter avec des logiciels appropriés, qui font appel aux traitement statistique de masse, et recourent, pour partie à l’intelligence artificielle, et à organiser le processus de traitement dans le système hospitalier ou en médecine ambulatoire.

 

Le socle technique

2019 est celle du déploiement de la 5G. Les industriels entrent désormais dans le concret. Samsung présente la chaine complète des équipements, jusqu’au terminal utilisateur. Qualcomm y consacre l’intégralité de sa key note en détaillant de manière pédagogique tous les bénéfices de cette technique. Chaque stand apporte sa touche 5G.

Derrière cette forte présence de la 5G comme solution universelle, il y a en effet des réalités industrielles qui s’annoncent prometteuses,. En exploitant la grande bande passante et la très faible latence s’ouvrent de nouveaux champs d’usage dans tous les secteurs..

Il en est de même pour l’intelligence artificielle, omniprésente sur tous les stands et dans toutes les conférences. Le terme AI-powered est omniprésent même si la réalité technique sous-jacente est souvent très inférieure à l’ambition affichée. Car l’intelligence artificielle est un domaine complexe dont les conférences ont bien mis en évidence les limites et les difficultés, au-delà de l’enthousiasme porté par cette technique qui paraît la seule en mesure de traiter les zettaoctets  de données générées par l’économie mondiale.

La reconnaissance vocale est marquée par le triomphe d’Alexa et la bataille de Google pour reprendre le leadership. L’image conforme son omniprésence. Si les écrans 4K OLED étaient les vedettes de 2018, la 8K, avec ses 33 millions de pixels, a fait son entrée en force dans tous les stands en 2019 avec des démonstrations spectaculaires chez les leaders que sont LG et Samsung. Les écrans sont de plus en larges, dépassent couramment 50 pouces, et pour se faire oublier se replient comme chez LG. Mais il n’y a pas de contenu 8 K  pour servir utilement cette prouesse technique !

 

La prise de conscience sociétale

La dérive utopiste de la technologie peut conduire au cauchemar totalitaire. Cette hypothèse n’était pas présente dans les CES il y a quelques années où les louanges envers la technologie étaient sans nuance. Les  acteurs commencent à intégrer les risques d’abus de technologie, soit parce que les solutions se révèlent inopérantes soit parce que les risques sociaux sont trop élevés.

Dans les différentes conférences qui ont abordé cette question de la sécurité, de la confidentialité et, in fine, de l’opportunité d’usage des technologies, les intervenants de la profession reconnaissent un manque de lisibilité de l’offre technique, qui, en se raffinant, devaient souvent illisible pour les utilisateurs et suscitent de la méfiance. Cette perte de confiance est aggravée par les ventes de données organisées par Facebook. De ce fait, les conférenciers américains, très critiques en 2018 sur la GPDR européen, ont abordé sans réticence l’idée de se rallier à une telle approche. Car à quoi sert l’innovation si le manque de confiance en détourne les utilisateurs ? Les actions de citoyens contre les essais de voitures autonomes posent avec force cette question clef.

 

Quelles leçons ?

 Tout est interconnecté ! Les matériels n’existent pas sans les logiciels, les processus sans les données qui les alimentent, les décisions sans la modélisation qui les rendent robustes.  La convergence des systèmes IoT-web-legacy  implique la mise à niveau des infrastructures, l’accélération de la production de logiciels, la sécurisation des infrastructures et des données, la qualité et la pertinence des interfaces, la résilience des systèmes. Ceci passe par le recours aux solutions du cloud qui permettent de sécuriser sans effort le traitement et le stockage des données.

C’est un vaste chantier qui implique une véritable révolution des compétences et des méthodes : l’agilité implique des systèmes de décisions courts, une implication de chacun et une coopération active. La révolution numérique, c’est avant tout la révolution des compétences et des modèles d’organisation.

 

Jean-Pierre Corniou, Partner at Sia partners, CEO Agile.IT

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