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« Les DSI exploitent encore des modèles d’un autre temps »

« Les DSI exploitent encore des modèles d’un autre temps »

Récemment nommé directeur de l’innovation de l’entité Smart Solutions de Suez – après huit ans dans une DSI – Frédéric Charles revient sur la transformation digitale et le nouveau rôle du directeur informatique. Il nous livre les clés pour bien aborder ce changement.

Comment, selon vous, le rôle des DSI doit-il évoluer ?

Frédéric Charles : Avec l’arrivée du cloud computing, une DSI qui reste cantonnée à un rôle de fournisseur interne, attendant que l’on oriente ses actions fonctionne selon un modèle qui est aujourd’hui dépassé et se doit d’évoluer.

De nombreux DSI reproduisent encore aujourd’hui mécaniquement des dispositifs créés il y a des années pour accompagner la croissance des entreprises du CAC40. Des dispositifs qui sont de moins en moins adaptés à un monde désormais dominé par les Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon). À l’heure du « Bring Your Own Device », est-on toujours obligé de délivrer des PC ou des smartphones standardisés à tous les collaborateurs ? Ceci est encore souvent lié à des raisons de sécurité bien que des solutions sécurisées puissent être trouvées. Je crois davantage à l’habitude. En reproduisant ces modèles d’un autre temps, certains DSI ont perdu la bataille de l’image auprès des métiers – alors que d’autres plus pionniers ont été, très tôt, ouverts aux ruptures.

En reproduisant ces modèles d’un autre temps, certains DSI ont perdu la bataille de l’image auprès des métiers.

Les nouveaux DSI vont donc devoir choisir. Soit ils transforment leur organisation pour répondre aux nouveaux usages – quitte à recruter de nouveaux profils issus du marketing digital et de la data, par exemple – soit ils se repositionnent sur le management purement technique et budgétaire du « legacy ». Trouver un juste milieu – sous forme d’IT bimodale – sera, selon moi, de plus en plus ardu.

Vous-même, comment avez-vous abordé ce changement ?

Mes fonctions précédentes au sein d’une DSI de Suez étaient liées à la stratégie et à la gouvernance du système d’information. Des activités déjà fortement en lien avec les métiers du groupe et avec l’externe. J’étais donc dans une position privilégiée pour observer et anticiper les transformations que nous avons d’ailleurs mises en œuvre très rapidement avec les équipes métiers. Notre objectif ? Se concentrer sur un nombre limité de plates-formes de services numériques, métiers et industrielles. C’est précisément ce que Google a du mal à faire, contrairement aux DSI qui connaissant bien le métier de leur entreprise. J’aime à répéter que Google ne possède pas d’industrie ce qui est une force (il est le partenaire potentiel de toutes les entreprises) mais aussi une faiblesse potentielle (il est concurrent de toutes d’entreprises, quel que soit leur secteur d’activité).

Google ne possède pas d’industrie ce qui est une force (il est le partenaire potentiel de toutes les entreprises) mais aussi une faiblesse potentielle (il est concurrent de toutes d’entreprises, quel que soit leur secteur d’activité).

Pour Suez, une plate-forme réalise la télé-relève des compteurs pour le compte de clients internes ou externes au groupe. Ce ne sont pas moins de 2,6 millions de compteurs qui ont été vendus ! C’est maintenant l’activité de Smart Solutions de SUEZ, que j’ai rejoint en avril 2016, en tant que directeur de la stratégie digitale et de l’innovation, que de mettre en place et d’opérer ces nouvelles plateformes intégrant de plus en plus d’objets connectés.

Quelle importance revêt le Cloud au sein de ces transformations de la DSI ?

Dès 2009, au sein de la DSI de Lyonnaise des Eaux, nous nous sommes tournés vers des applications en mode Software as a Service (SaaS). J’ai alors très vite réalisé le potentiel considérable d’agilité qu’apportaient les technologies Cloud. Mais depuis 2012 les projets montrent que la rupture majeure est principalement liée à l’infrastructure dans le Cloud. Les plates-formes numériques de relations clients que nous avons mises en place depuis trois ans reposent sur un Cloud privé grâce aux services d’un broker pour bénéficier, à la demande, de plusieurs hébergeurs. La bascule dans le Cloud privé d’une partie de plus en plus importante des infrastructures me semble donc inéluctable. Le Cloud devient la plate-forme informatique globale indispensable pour permettre aux DSI d’externaliser leur métier historique d’exploitant et de se concentrer sur l’avenir : l’Internet des objets, le big data et la création de services innovants et transverses.


Frédéric CharlesQuelques mots sur Frédéric Charles

Après huit ans à la tête de stratégie et de la gouvernance à la DSI de Lyonnaise des Eaux Frédéric Charles est, depuis 2016, directeur de la stratégie digitale et de l’innovation de l’activité Smart Solutions de SUEZ. Aujourd’hui, Suez est un acteur de la smart city avec déjà plus de 2,6 millions de compteurs télérelevés vendus et une plate-forme technique aussi utilisés par des clients externes au groupe, des collectivités locales ou des industriels.